Cafés littéraires en prison

Le 19 octobre 2021, je suis allée à la maison d'arrêt de Dunkerque. À la fin de la rencontre littéraire, un homme m'a demandé pourquoi je venais en prison, ce que ça m'apportait. Je ne m'étais jamais posé la question, on m'a demandé si j'acceptais de participer à un café littéraire dans une maison d'arrêt et dans un centre de détention, j'ai juste répondu "Oui, bien sûr".

Je fais partie d'un collectif dont la philosophie est de "rendre la poésie accessible à tous et partout". "Partout" ça veut dire aussi derrière les grilles et les verrous.

Le lendemain, je me suis rendue au centre de détention de Longuenesse. Contrairement à la veille, il y avait du café pour le café littéraire, et même des gâteaux et des meringues en forme de seins pour célébrer octobre rose et lutter contre le cancer du sein. Avoir mangé, en prison, des meringues en forme de totottes restera un souvenir inimaginable et inoubliable.

Dès mon arrivée, j'ai remarqué que les hommes tenaient des exemplaires des mes livres entre leurs mains. Ils avaient lu un ou plusieurs de mes recueils. Je me suis dit "Chouette, s'ils sont venus à la rencontre après m'avoir lue, c'est qu'ils ont dû aimer mon écriture".

Nous avons échangé. Ils m'ont expliqué qu'ils participaient à la rédaction d'une gazette interne au très beau titre, "L'échappée", dans laquelle figurerait au prochain numéro une chronique à propos de mon recueil "Americans don't walk". Je suis très heureuse de savoir que ce livre a permis et permettra aux lecteurs de s'évader, de rêver, de voyager le temps d'une lecture. La littérature sert à ça, à effacer le monde autour, à transporter ailleurs, dans d'autres temps où d'autres espaces.

Lors de nos échanges, l'un d'eux m'a dit avoir aimé mon livre alors qu'il ne lit pas habituellement. C'est ce qui est beau avec la poésie, on peut raconter des histoires en très peu de mots, offrir des univers qui tiennent dans la poche. Mais là où ils m'ont bien eue, c'est en commandant et en lisant "Alto mare". Je m'étais moi-même censurée en imaginant qu'un livre qui parlait de sensualité n'avait pas sa place dans une prison. Peut-être est-ce tout le contraire. La littérature a peut-être le pouvoir de pallier l'absence des corps aimés.

En conclusion, l'on m'a dit que ce moment avait été une respiration. J'aime le croire. Pendant cette heure et demie, il n'y avait pas de détenus, pas de prison, pas de dedans et pas de dehors. C'est facile à dire pour moi qui suis repartie en les laissant là, mais j'aime croire qu'ils ont vécu ce moment comme moi, une rencontre très entre une autrice et ces lecteurs autour d'un café avec de drôles de meringues...

Un grand merci à eux : Steve, Sébastien, Jeffrey, Dylan, Philippe et Grégory.

Et un grand merci aux Escales des lettres qui ont permis cette rencontre.

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