Ateliers au lycée Condorcet de Saint-Priest
- Par sbarends
- Le 08/03/2023 à 14:43
6 séances, avec une classe de 2de, pour déconstruire les stéréotypes de genre dans les contes classiques.
[séances en cours]
Mercredi 8 mars 2023
Mercredi de nouveau. Je suis dans le T2 en route pour Saint-Priest. Réveil à six heures, mon trac n'a pas voulu attendre la sonnerie de 6 h 45. Je suis enrhumée. Le tram avance en faisant tatactatoum. Moi, je fais snirfl. Aujourd'hui les élèves vont devoir écrire, mettre un peu de tripes sur la table. J'écoute le concert de Cologne de Keith Jarrett, les notes recouvrent les bruits métalliques du wagon, les conversations des ados devant moi, le tic-tac de la pluie sur le toit du tram, la sirène d'une ambulance. La vie devient belle comme une comédie musicale et j'ai moins peur. 30 élèves vont-ils aimer écrire ce matin ?
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Ils écrivent. Elles écrivent. Ils et elles n'ont pas voulu se mélanger pour écrire. Groupes non mixtes pour déconstruire ensemble les stéréotypes de genre. Heureusement ils et elles parlent, échangent, se contredisent dans un joyeux bordel. Cliché par ci, cliché par là, on traque les visions d'un monde qui doit continuer de changer. Et, en à peine trois sessions, je vois déjà des changements d'attitude et de point de vue. Comme ce garçon qui n'aurait jamais imaginé écrire l'histoire d'une femme cheffe de gang...
Mercredi 1er mars 2023
Dans le tram T2 depuis 40 min. J'interviens de nouveau dans une classe de 2de à Saint-Priest. Je me suis spontanément réveillée à 5 h 30 en me demandant si j'allais réussir à faire aimer la poésie. On peut parler d'insomnie, le trac devant 30 élèves... ça va bien se passer... piuf...
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Dans le tram T2 depuis 5 minutes, je suis lessivée mais contente des 4 heures passées avec les élèves, je rêve d'un burger frites, quand soudain je sens une pression sur la gauche. Quelque chose appuie sur le wagon qui appuie sur mon voisin qui se colle à moi. Et BAM la porte du tram éclate en morceaux, un morceau éclate la porte d'en face. Le tram s'arrête. Une voiture au loin a arrêté sa course, stoppée dans son élan.
Tout le monde va bien, même le conducteur de la voiture qui n'est plus que carcasse. La conductrice du tram tremble comme une feuille, elle a 25 ans, c'est son premier accident. Une femme raconte tout ça en langues des signes à sa mère en visio. Chacun et chacune demande si chacune et chacun va bien. Il y a du verre partout, plus de peur que de mal. Et une petite vieille qui ne veut pas rater son rendez-vous, qui veut un bus relais, qui veut savoir comment on fait. On se calme et on attend ! Il va falloir appeler votre rendez-vous et lui dire que vous serez en retard. La vie en a décidé autrement...
Mercredi 22 février 2023
Premier jour d’intervention au lycée Condorcet de Saint Priest. J’ai parcouru la ligne T2 d’un bout à l’autre. Le tram comme un train entre deux villes, mon déplacement comme un voyage. Je suis arrivée une heure trop tôt à force d’enlever des minutes pour être sûre d’arriver à l’heure. Dans la salle des profs, ambiance de salle des profs. Certains ont accès à des ordinateurs, d’autres pas, certains ont une salle dédiée, d’autres pas. Chacun a sa tasse. La sonnerie de récrée, trois notes dans un haut parleur. Les couloirs interminables, des escaliers partout et des jeunes. Des jeunes habillés de noir. Tous et toutes habillés de noir, pas de couleur. 30 élèves qui m’avouent ne pas lire, ne pas aimer lire. Pas même un manga ? Non. Pas même Harry Potter ? Non. Harry Potter c’est fini, c’est la génération d’avant. Je me présente, j’essaie d’avoir l’air cool, sympa. Ça marche sauf pour une gamine qui me regarde du coin de l’oeil comme si j’étais une vieille chose. Je parle de poésie, de livres, d’édition, de célébrité, d’argent, d’inspiration, de thèmes. Ils ont plein de questions. Je dis trouver l’inspiration dans les transports en communs, à regarder les gens. On me demande quels transports. Je réponds, le tram, le bus, le métro… On me demande si l’inspiration est différente selon le mode de transport… Je réponds que oui, du fait du paysage qui défile ou non, de la position assise ou debout des passagers… On continue comme ça pendant plus d’une heure. À la fin, on fait un exercice d’écriture à partir du texte de Katherine L. Battaiellie, J’ai peur. Chacun et chacune doit écrire de manière anonyme sa peur…
