Cette année, Samantha Barendson, toujours poète, est devenu aussi écrivain et a écrit Mon citronnier (Jean-Claude Lattès), un roman dans lequel elle raconte la même histoire mais de manière moins épurée, sans doute plus précise.
Certains vides ont été comblés, certains secrets lâchés et le récit, agréable et touchant qui s’est construit autour du texte poétique, s’il semble dire plus, ne possède pourtant ni l’intensité ni l’emprise du premier.
La maîtrise de l’ellipse, la retenue légitime, si sensible, spontanément acceptées par le lecteur dans Le citronnier sont ici moins évidentes à percevoir. Le roman conserve néanmoins l’émotion d’une histoire intime bouleversante et singulière et ravira incontestablement les lecteurs non encore hantés par l’odeur délicate et rare du premier citronnier.
"Le jour où il est mort, le temps ne s'est pas arrêté. Il est resté mon père, je suis restée sa fille".
Un père et une fille ne se sont pas connus. Décédé alors qu'elle n'avait que deux ans, la narratrice-auteure, désormais adulte et mère d'une jeune fille adolescente, se sentant devenir mortelle à son tour, part à la recherche de souvenirs, de ceux qui en possèdent et pourront l'aider à mettre des contours, une voix, une personnalité, des mots, des odeurs, sur celui qui, à trente-deux ans, le 15 août 1978, est mort asphyxié dans une chambre d'hôtel en Argentine. "Il est temps d'interroger les vivants".
"Je pose des questions, on ne me répond pas, je repose des questions, on me sourit, on me dit vive, curieuse, espiègle, on essaie d'attirer mon attention vers d'autres choses, d'autres questions…"
A travers cette quête intime, teintée de mélancolie et de joie, où les objets conservés délivrent eux-mêmes quelques secrets pour peu qu'on les regarde autrement, où les paroles des proches sont parfois déjà éteintes, parcimonieuses ou insaisissables, Samantha Barendson chemine, à la fois délicate et obstinée et découvre, au final, un secret inattendu.
"Mon père a crépité".
Aux détours de son exploration entre passé et présent, de ses voyages en France, en Argentine ou en Espagne, l'auteure, par petites touches, esquisse la construction d'une identité personnelle, cherche des ressemblances avec son père, comble l'absence. Le roman, davantage que le poème, semble avoir pris de la distance avec ce passé. Moins resserré sur le narrateur, moins centré sur le duo père-fille, il laisse une plus large place aux autres personnages secondaires et ouvre un horizon plus vaste.
Lors de courts moments et sans désagrément, le regard du lecteur se tourne vers d'autres vies, d'autres ambiances finement esquissées. Il laisse son imaginaire y vagabonder. Comme affilié intimement à cette histoire.
Car même si ce texte peut apparaître moins mystérieux, moins percutant et moins rythmé que le poème éponyme, il a su conserver une musique poétique envoûtante, d'emblée perceptible et promesse d'une lecture troublante et attachante.