Poéclic
Le projet poéclic, destiné à des classes des lycées français des zones Amlasud et Europe du Sud-Est, a pour objectifs de :
- Travailler à partir d’un corpus inédit de poèmes contemporains écrits spécialement pour les élèves.
- Approfondir l’appropriation d’un poème “offert” à la classe et en proposer une lecture expressive et un commentaire adressés à son auteur/autrice via le site Internet.
- Être mis en contact avec cet auteur/cette autrice.
- Découvrir le travail des autres classes et entrer librement en contact avec elles.
- Aller plus loin via un travail d’écriture poétique ou de création (plastique, musicale…) en libres échos au “poème offert”, valorisé sur le site Internet.
Voilà 5 bonnes raisons de vous lancer dans l’aventure Poéclic !
Une action conçue en échos et en partenariat avec la Semaine de la langue française et de la francophonie et le Printemps des poètes, visant à favoriser le renouvellement des approches du texte littéraire (et du genre poétique) et le travail des compétences de lecture et d'expression en langue française en appui sur l'oral, le numérique et la rencontre d'auteur.
Le défi, pour le ou la poète, consiste à créer un poème à partir d'un ou plusieurs des dix mots de la francophonie.
Samantha Barendson a décidé de composer un grand poème divisé en dix petits poèmes contenant chacun des dix mots.
Poème 2024
Je nage
l’adrénaline emplit mon corps à chaque brasse
l’air me manque, j’avance dans une pluie horizontale
Je nage
au milieu des champions, des nageurs papillons
j’avance au rythme mien, celui des nuages dans le ciel
Je nage
j’avance vers une rive certaine, à l’aller comme au retour
il me faudrait un mental d’acier pour oser la nage en pleine mer
Je nage
j’oublie le collectif, il n’y a que moi et les éléments
l’eau du grand bain, le ciel et la caresse du vent, parfois la neige
Je nage
mon unique prouesse est de nager un kilomètre – mille mètres
que je décompose en tranches de 25 mètres, mathématique de l’eau
Je nage
parfois freinée par un faux-départ, une crampe, une gorgée imprévue
le liquide ami devenu ennemi le temps d’une parenthèse où je pourrais me noyer
Je nage
échappée du rythme infernal du quotidien professionnel, pause-déjeuner
j’oublie de manger, j’avale un à un les mouvements qui nourrissent mes muscles
Je nage
pas de mi-temps pour aller aux oranges, le kilomètre se nage en une seule fois
brasse après brasse jusqu’à l’épuisement des vitamines et des minéraux du corps humide
Je nage
parfois je voudrais m’encorder à l’autre rive, traverser les reflets bleus des mosaïques
accrochée à un élastique qui me ramènerait en une parfaite ligne droite d’écume blanche
Je nage
je joue contre moi-même, contre la montre parfois, contre les autres nageurs hors-jeu
qui n’en savent rien et m’ignorent, je nage, je nage, je nage et jamais je ne coule
Poème 2023
Avant-jour. Il neige.
La ville est disparue
sous un voile de lassitude blanche.
Disparues les avenues, disparue l’humanité,
hivernage des voitures
et de la cacophonie urbaine.
Nous sommes toi et moi à des années-lumière
dans cette chambre, le monde s’est évanoui
pendant que nous dormions.
Les flocons de neige rythment notre paresse
lente chorégraphie de petits points blancs,
nous retournons au lit.
Je veux lambiner à tes côtés
en attendant les premières fleurs,
dormir encore l’espace d’une saison.
Il neige. Les vitres s’embuent
et nos bâillements synchrones
se cristallisent en partitions glaciales.
Dehors le monde clignote, tic-tac,
au rythme des feux de circulation,
les rues sont désertes et les degrés sous zéro.
La chaleur d’une tasse réchauffe nos mains
heures de farniente sous la couette épaisse
et le soleil dare-dare derrière l’horizon.
Le soir comme un déjà-vu,
un voile recouvre la ville
de solitude blanche. Il neige.
Ensemble, nous conjuguons le sommeil,
correspondance amoureuse,
au plus-que-parfait.
Poème 2022
Ici
je suis hors du récit métropolitain
(bagnoles, fatigue et pollution)
dans un tintamarre nocturne
appelé silence
Je veux rêver debout
rouler à contre-sens
retrouver l’émerveillement
reprendre le chemin de l’enfance
pince-moi
Ici
je nage entre les étages
vertige d’une ville verticale
le ciel absent ou décalé
du gris encore du gris
Je veux croire aux levers des jours
qui rendent les songes
ordinaires
et les lendemains
époustouflants
Ici
j’interromps le temps qui coule
les vagues automobiles
les sirènes les klaxons
les regards médusés
Je veux me fier
aux apparences
saisir les audaces clandestines
divulgâcher le prévisible
et rire
Ici
je marche entre les lignes
la ville aux trottoirs de béton
les piétons ébaubis
le feu qui passe au vert
Je veux me souvenir
de l’insouciance d’avant
(farcer, rire, recommencer)
avoir de nouveau l’âge
de l’abandon heureux
Ici
je marche dans les pas
des chiens errants, kaï
sans but et sans horaire
nomade et urbaine
Je veux gronder comme la tempête
ni polie ni parfaite
ne pas dire saperlipopette
dire merde
tout simplement