Enfants d'Italiens, quelle(s) langue(s) parlez-vous ?

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Enfants d'Italiens,
quelle(s) langue(s) parlez-vous ?

Géhess éditions, 2009
12 €

(épuisé)

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Présentation

Note de lecture

Extrait

Fils d’immigrés italiens, ils deviennent exilés.

Quelle est la différence ?

Il y a ce que l’on gagne. Il y a ce que l’on perd. La moyenne des deux.

Des années passées à devenir Argentins.

Envolées à trente ans.

Et tout recommencer.

 

Quitter le pays, un pays en guerre. Quitter des amis jetés à la mer. Quitter des saveurs, des odeurs et des goûts. Les chansons d’une jeunesse qui ne sera jamais plus.

Et soudain tout s’arrête.

Le temps s'immobilise.

L’on devient Argentin en dehors de ses terres. L’on demeure Italien malgré toutes les frontières.

 

Dans les villes d’Europe, Barcelone ou Paris, ma mère et sa sœur rencontrent des gens comme elles. Échangent dans des salons les mêmes expériences et regrettent amèrement les horizons passés.

La musique comme un baume et Mercedes Sosa, Atahualpa Yupanqui et même Sui Generis. Les tangos de Gardel et ceux de Piazzolla, en buvant du maté avec un alfajor.

Alternant par moments au gré de leurs rencontres, le chuintement d’une Zanetti au coin d’une cuisine, un caffè à la main, la voix écorchée chante. Il y a dans l’éclat rauque des chanteurs Italiens le souvenir subtil des films en noir et blanc, le sourire charmeur, unique, de Marcello.

Les lectures échangées, Borges ou Cortázar, Sabato, Benedetti pourtant Uruguayen.

 

Il y a à l’extérieur comme une fraternité. On est tous Argentins, même si l’on est Chilien. L’espagnol nous unit, tout comme l’Italien. Il y a de la magie qui n’existe que là. La pasta nous mélange. Et pourtant rien ne bouge.

Ce sont les mêmes chansons qui reviennent en boucle. Tandis que là-bas de nouveaux groupes se créent.

Et l’Histoire qui avance, les temps se modifient, la mode qui évolue et la langue aussi.

C’est un sillon nouveau qui se creuse sans fin. Les Argentins d’ici et ceux de là-bas. Lorsque ma mère enfin retourne en Argentine, trente années plus tard, c’est ringard et désuet, elle n’est plus de son temps. On ne dit plus ceci, on ne dit plus cela, tel chanteur est décédé et tant d’autres sont venus. Elle croyait pourtant se tenir informée, demeurée à la page, mais ce n’était qu’un leurre, une culture d’exilés.

 

Une culture d’exilés.

 

Elle pleure dès lors son Buenos Aires aimé, son Buenos Aires passé.

S’oublie en nostalgies de ce qui jamais plus.

Ne comprend pas très bien comment marche ce monde qui était pourtant le sien aux heures de sa jeunesse.

Ma mère est comme perdue.

La vie entre deux chaises.

Il y avait un avant.

Il y a ce maintenant.

Et l’espace au milieu.

Ce vide.